Texte de Bérengère Chamboissier


Raconter l’eau et son infinité de possibles, tel est le pari que s’est donné Lise Couzinier avec son exposition « L’eau est-elle la même des deux côtés du bateau ? ». Eaux vives, eaux troubles, eaux dormantes, eaux profondes, eaux douces ou eaux salées …

L’eau  est l’insondable, curieux mélange de fascination et de terreur. Polysémie, dualité, multiplicité … Comment appréhender cet élément, ce mystère universel ? Cerner cette opacité et cet absolu que représentent l’eau? Tant d’ambivalences et de contradictions l’emprisonnent.

Fluctuation, oscillation,  pulsation continuelle de l’infini, l’eau demeure depuis des temps immémoriaux le symbole de la naissance du monde, « la materia prima »  reflet du cœur humain. Réceptacle de nos passions et projections de nos espoirs. Élément vital et primordial, elle est à la genèse des choses,  utérine, féconde et fertile, elle porte intrinsèquement en elle tout germe de vie.

Depuis toujours l’élément aquatique transcende et régénère. A travers toutes les mystiques et toutes les religions l’eau absout. Dans cette dissolution la destinée humaine se purifie.  Par son silence et son fracas, son potentiel  créateur ou destructeur, l’imprévisibilité de ses forces naturelles, l’homme se place comme spectateur ou acteur, déjouant ses pièges, amadouant ses tempêtes, apprivoisant ses humeurs, contemplant sa beauté.

Elle distille au compte-gouttes la vie et la mort. La destinée humaine se joue dans ses entrailles, machine à broyer les êtres mais tout aussi prompt à engendrer les rêves. De cette tradition toute romantique les plus grands artistes ont puisés aux sources de cette eau vénéneuse : Friedrich, Flandrin, Turner…  Géricault et son Radeau de la méduse où le sort de cette humanité devient  anecdote, infime jouet du sort perdu dans l’immensité de l’océan. Ces hommes au cœur de cette mer hurlante reverront-ils la terre ?

Victor Hugo dans son œuvre « Ma destinée » représente  l’impitoyable  assaut des vagues en une mer démontée, lame implacable bouleversant les âmes, tempête enragée,  miroir des errances de la pensée.  L’eau est aussi un défi à dompter, un Styx à traverser. Certains la franchissent, d’autres n’en reviennent pas. Elle est ce pont entre les hommes, ce lien entre les terres, cette frontière invisible qui unit ou déchire les hommes.  Fragile fil tendu qui lie et délie au gré des courants.

Souvent les hommes ont scruté l’eau, rêvant à d’autres et meilleurs lendemains. Pouvoir traverser et enjamber cet infini. L’eau comme sésame à d’autres vies, le passeport pour un hypothétique Eldorado. Pacifiée, elle est méditation, et dans son mouvement hypnotique elle procure la sérénité et l’apaisement.Ondoyante elle est sensuelle,érotique. Devenant l’Eros charnel, elle s’oppose alors au Thanatos sombre des eaux obscures. L’eau joue le double jeu, l’ambiguïté constante, elle est l’indiscernable,  le reflet de nos êtres incertains.

L’exposition de Lise Couzinier nous fait ainsi louvoyer à travers différents médiums et œuvres plastiquement très hétérogènes (photographies, sculptures, dessins, installations … ). L’artiste ne prétend pas donner une vision exhaustive de la thématique si riche d’interprétations. Elle réussit avec talent la périlleuse gageure de nous faire voyager et d’éveiller notre imaginaire ensommeillé.

Texte de ©Bérengère CHAMBOISSIER

IS WATER THE SAME BOTH SIDES OF THE BOAT?

Exhibition by Lise Couzinier

Telling stories about water and its endless possibilities, such is the challenge that Lise Couzinier presented herself with her exhibition « Is water the same both sides of the boat? ». White water, troubled water, sleeping water, deep water, fresh water or salt water … Water is an unfathomable, strange mixture of fascination and terror. Polysemy, duality, multiplicity … How to apprehend this element, this universal mystery? To identify this opacity and this absolute that water represents? So much ambivalence and contradiction is trapping it. Fluctuation, oscillation, continuous pulse of the infinite, water remains from time immemorial, the symbol of the birth of the world, « the materia prima » reflection of the human heart. Receptacle for our passions and the projection of our hopes.

A vital and primordial element, it is the genesis of things, uterine, fruitful and fertile, she intrinsically carries any seed of life. The water element transcends and regenerates ever since. Through mysticism and religion water absolves. In this dissolution human destiny is purified. By its silence and its roar, its potential as creator or as destructor, the unpredictability of its natural forces, man stands up as a spectator or actor, outwitting its traps, coaxing its storms, taming its moods, contemplating its beauty. It distils life and death with a dropper. Human destiny is decided in its womb, machine for crushing beings but just as quick to generate dreams.

 From this all romantic tradition, the greatest artists have drawn from the sources of this poisonous water: Friedrich, Flandrin, Turner …

Géricault and his Raft of the Medusa where the fate of humanity becomes an anecdote, a tiny stroke of fate lost in the immensity of the ocean. At the heart of the howling sea, will these men sight land ever again? Victor Hugo in his work My destiny depicts the merciless assault of the waves into a wild sea, implacable blade shattering the souls, raging storm, mirror of the wanderings of thought.

Water is also a challenge to overcome, a Styx to cross. Some cross it, others never return. It is the bridge between men, the link between the lands, the invisible border that unites men or tears them apart. The tight fragile thread that binds and unties according to the currents. Men have often peered into water, dreaming of other yet better tomorrows. Being able to cross and span this infinity. Water as a sesame to other lives, the passport for an hypothetical Eldorado.

 When pacified, it is meditation, and with its hypnotic movement, it provides calm and serenity. Rippling, it is sensual, erotic. Becoming the earthly Eros, it then opposes itself to the gloomy Thanatos of the dark waters. Water plays a double game, the constant ambiguity, it is indiscernible, a reflection of our uncertain beings.

Lise Couzinier’s exhibition thus tacks us through different mediums and artworks plastically highly heterogeneous (photographs, sculptures, drawings, installations …).

The artist does not claim to give a complete picture of the thematic so rich in interpretations. She manages with talent the perilous challenge to make us travel and awaken our sleepy imagination.

Translation © by Nathalie Letullier, www.oui-dizajn.si